Jusqu’à présent, l’entrepreneur faisant appel à un sous-traitant ayant des dettes sociales ou fiscales se devait de procéder à une retenue sur le montant de la facture à acquitter et de reverser la somme ainsi retenue à l’Etat. A défaut, l’entrepreneur engageait alors sa responsabilité. Désormais, cette obligation concerne également le maître de l’ouvrage.
1. Obligation de retenue
La règle, applicable aux secteurs de la construction, de la viande, de la surveillance et du gardiennage, est à la fois simple et implacable: s’il n’opère pas la retenue adéquate, l’entrepreneur est solidairement responsable du paiement des dettes sociales et fiscales de ses sous-traitants.
Un tel mécanisme ne s’applique bien entendu pas aux personnes physiques faisant appel à un entrepreneur à des fins privées. Mais pour les autres, en pratique, que faut-il faire ?
- 1. Vérifier
Avant de s’acquitter de son obligation de paiement, l’entrepreneur souhaitant régler son sous-traitant doit vérifier que ce dernier n’a pas de dettes sociales ou fiscales.
Pour ce faire, deux sites internet sont mis à la disposition de l’entrepreneur par l’administration:
- le service en ligne « obligation de retenue » du SPF Sécurité Sociale vous permet de vérifier si l’obligation de retenue s’applique à la facture qui vous est présentée par un entrepreneur ;
- pareillement, le service en ligne « obligation de retenue » du SPF Finances vous permet de vérifier si un entrepreneur qui vous présente une facture a des dettes fiscales.
Dans certains cas, une attestation de consultation peut être générée par l’application informatique.
En cas de doute, vous pouvez toujours être épaulé dans cette procédure en contactant soit le centre de contact du SPF Sécurité Sociale soit celui du SPF Finances. Au préalable, nous vous conseillons cependant de prendre connaissance du FAQ du SPF Finances (dettes fiscales) ou du manuel d’utilisation du SPF Sécurité Sociale (dettes sociales), regorgeant l’un et l’autre d’informations pratiques complémentaires.
- 2. Retenir et reverser (le cas échéant)
Si le sous-traitant a des dettes sociales, vous devez retenir 35 % du montant dont vous lui êtes redevable et les reverser à l’Office National de Sécurité Sociale (IBAN: BE76 6790 0001 9295 ; BIC: PCHQBEBB). Leur service en ligne vous permet également de préparer le versement du montant de la retenue sur facture, notamment en générant la communication structurée correspondante.
Si le sous-traitant a des dettes fiscales, vous devez retenir 15 % du montant dont vous lui êtes redevable et les reverser au SPF Finances (IBAN : BE33 6792 0023 2046 – BIC : PCHQBEBB).
Vous l’aurez compris: dans les deux cas, ces retenues ont un caractère libératoire.
2.Responsabilité solidaire
Lorsque l’entrepreneur qui y était astreint n’a pas procédé à la retenue sur facture qui était attendue de lui, ce dernier devient solidairement responsable des dettes sociales ou fiscales de son cocontractant. Cette responsabilité solidaire est toutefois limitée comme suit :
- en cas de dettes sociales: limitation au prix total HTVA des travaux concédés au sous-traitant ;
- en cas de dettes fiscales: limitation à 35% du prix total HTVA des travaux concédés au sous-traitant.
Afin d’éviter que la personne solidairement responsable ne le soit à concurrence de 135% du montant de la facture de son sous-traitant, le législateur a tout de même prévu des mesures de tempérance :
- si la responsabilité solidaire sociale est déjà d’application pour un entrepreneur et qu’un engagement de sa responsabilité solidaire fiscale est entrevu à l’égard du même sous-traitant, sa responsabilité solidaire fiscale ne sera pas engagée ;
- si la responsabilité solidaire fiscale est déjà d’application pour un entrepreneur et qu’un engagement de sa responsabilité solidaire sociale est ensuite entrevu à l’égard du même sous-traitant, il est accepté que cette dernière soit limitée à 65% (au lieu de 100%) du prix total HTVA des travaux concédés au sous-traitant.
Le mécanisme de responsabilité solidaire s’applique en principe au cocontractant direct (celui qui a fait appel au sous-traitant en défaut). Cependant, s’il n’effectue pas ou pas complétement les retenues attendues, le mécanisme de responsabilité solidaire subsidiaire (ou « responsabilité en cascade ») est alors activé: il permet à l’administration fiscale ou à l’ONSS de remonter chaque fois d’un échelon et ainsi se retourner vers les entrepreneurs intervenus à un stade antérieur.
3.Nouveauté
C’est la loi-programme du 10 août 2015, entrée en vigueur le 28 août dernier, qui modifie la donne: désormais, les obligations vues ci-avant pèsent également sur le donneur d’ordre.
En d’autres termes, cela signifie que le mécanisme de recherche de responsabilité en chaîne ascendante ne s’arrête plus, en bout de course, à l’entrepreneur principal mais bien au donneur d’ordre, également appelé « maître de l’ouvrage » ou « commettant ».
Plus vigilant que jamais, ce dernier devra désormais vérifier que l’entrepreneur principal auquel il a fait appel ainsi que ses éventuels sous-traitants satisfont bien à leurs obligations sociales et fiscales. De quoi renforcer la position privilégiée de l’Etat et renforcer encore un peu plus la charge administrative pesant sur les épaules de ceux qui entreprennent…